KLANG – 1re édition – Passage Guigon
Tel un lys parmi les épines… Première édition du cycle d’expositions KLANG, où se rencontreront des créations plastiques et des compositions sonores.
Nous voulons réactiver le topos qui, du Cantique des Cantiques, des poèmes d’Ibn Hazm à l’Amour courtois, fait du jardin le lieu privilégié de l’amour. Pour une déclaration exaltée ou une louange solitaire, l’environnement naturel y sert de comparaison et de métaphore pour représenter l’être aimé – une nature foisonnante mais aussi en constante mutation et parfois sauvage. Dans ce contexte, le jardin est un espace clos où se joue impunément la rencontre. Invitant à la sensualité, ses richesses inspirent un chant dont on ne sait plus s’il est de l’homme ou de la femme.
Cette exposition est un manifeste au pouvoir de subversion de l’érotisme. Elle est conçue comme un environnement à part entière où une installation architecturale, des pièces sonores et des images cohabitent en maintenant le spectateur dans un même régime perceptif : celui d’une immersion dans un jardin aux formes étrangement suggestives.
Théophile Stern créera un labyrinthe in situ en collaboration avec Margot Darvogne, qui y logera une fontaine aux formes exubérantes.
Celle-ci sera activée par la vidéo de John Deneuve, quand les feuillages photographiques d’Ilanit Illouz ouvriront sur un jardin secret virtuel de Pauline Hisbacq. Ces installations seront hantées par les saxophone et trompette extended de Luise Volkmann et Timothée Quost, d’une texture charnelle ou alors épurée jusqu’au souffle. Les oiseaux des pièces pour appeaux de Thibault Gomez se frotteront au chat du field recording du jardin de Pierre Juillard, dont le ronronnement chaud envahira tout l’espace.
D’après l’exégète André LaCocque, le Cantique des cantiques décrit un amour libre, en dehors des normes conjugales et de toute institution. Ce chant d’amour dont les descriptions du corps n’ont pas d’égal dans la Bible, aurait été écrit par une femme. Sa valeur théologique ne vient pas d’une signification allégorique, aujourd’hui réfutée, mais au contraire et selon une interprétation littérale, du recours à éros.
Le style imagé, porté sur la nature avec des comparaisons aux plantes et aux animaux, a une fonction purement esthétique, de délectation. Le Cantique met en scène la Sulamite
(« lys ») dont les avances résolues, usant d’un langage subversif, vont à l’encontre du modèle patriarcal. C’est parce qu’il est entièrement libre et possède en lui-même sa propre fin, que cet amour charnel témoigne du spirituel.
Au 12e siècle, le troubadour occitan, épris d’une dame d’un rang supérieur et dépourvu de moyens financiers et chevaleresques, invente un art d’aimer : l’Amour courtois. Exprimant avec ardeur son admiration à travers une forme poétique, il compose un chant où il est le vassal et, elle, la suzeraine. Dans un contexte féodal où la femme noble dispose de plus de liberté, elle répond en s’offrant souverainement à lui.
Plus récemment, les Gender Studies ont montré le caractère performatif des formes d’expressions queer qui, par la production même du désir remettent en cause toute binarité de genre.
Ainsi, Eros trouble nos sens et, jouant sur la corde sensible, il transgresse les lois, renverse les hiérarchies, redéfinit les identités… au nom du sentiment le plus obstiné que l’on connaisse : l’amour.
Selon les mots d’Octavio Paz, l’érotisme est une « poétique corporelle » quand la poésie est une « érotique verbale ». Ils sont activés par un même agent : l’imagination. Si l’érotisme est sexualité transfigurée – rite, cérémonie, métaphore -, il peut prendre une infinité de formes.
Comme autant de figures de styles en littérature, dans un ton lyrique ou cru, les arts visuels mettent en oeuvre différentes stratégies pour exciter notre pulsion scopique. Une matière sensuelle ou un chromatisme séduisant, manipulent notre regard entre romantisme et voyeurisme, et des visions d’une inquiétante étrangeté, fulgurantes ou persistantes, viennent troubler notre entendement. On ne peut pas fermer nos oreilles, et le son procède de manière encore plus intrusive. La matière sonore, qu’elle soit brute ou suive un développement musical, rugueuse ou fluide, enjouée ou lascive, pénètre notre corps de manière intangible.
Nous proposons ici d’entrer dans un Jardin dont l’atmosphère pastorale n’a rien d’anachronique. Nous grisant d’une ivresse sensuelle, la nature y est une entremetteuse résolument transgressive, faisant éclore des sonorités et des formes où se reformule sans cesse la relation à l’autre.
Violette Gillet
Les artistes plasticiens :
Margot Darvogne / John Deneuve / Pauline Hisbacq / Ilanit Illouz / Théophile Stern
Les artistes musiciens :
Thibault Gomez / Pierre Juillard / Timothée Quost / Luise Volkmann
[Source : communiqué de presse]
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